MILF, le grand réveil érotique | Le Nouvel Observateur, 2023

« Lorsque j’ai eu ma fille, deux choses ont disparu : ma libido et moi-même. Tout le monde sait que la sexualité se volatilise avec la maternité. Les jeunes mamans ne baisent plus : c’est un fait connu, prévisible, documenté – peut-être même existe-t-il un complot pour annihiler la sexualité des mères. Car comment pourraient-elles avoir envie de quoi que ce soit entre les violences obstétricales, la charge mentale ou l’isolement des premières années ?

Enceinte, je me souviens avoir été obsédée par des énigmes insolubles. « Mes orgasmes sont-ils dangereux pour le bébé ? » « Peut-on vivre avec un périnée défoncé ? » « Qu’est-ce que c’est encore que cette sensation bizarre, là ? » Plus que la vie, la maternité vous apprend à ne jamais avoir de réponses – principalement à l’accepter. Vers le neuvième mois, exaspérée, j’ai demandé à ma sage-femme : « Quand est-ce que je vais redevenir normale ? » Elle a soupiré. « Tu verras bien. » Dans la bouche de femmes plus âgées et plus expérimentées, « tu verras bien » veut dire « n’y compte même pas.

On pense toujours que cette petite mascarade de la maternité se termine avec l’accouchement. En réalité, tout commence. Mon post-partum s’est résumé comme suit : une dislocation non contrôlée. Une phase durant laquelle j’ai zoné, hagarde, dans un espace-temps indéfini, avec un corps en vrac et des idées noires. Ne plus savoir comment on s’appelle. Avoir l’impression d’avoir perdu quelque chose ou quelqu’un. Attendre que les choses rentrent dans l’ordre.»

Episode 1 | Bonne épouse, bonne mère…avant l’erreur système de la quarantaine

Episode 2 | Pole dance

Episode 3 | Sexting

Episode 4 | Skirt Club

Episode 5 | Feeld

Affaire Christiane K, la mère diabolique | Le Nouvel Observateur, 2022

« La première fois que j’ai entendu parler de Christiane K., j’essayais de télé- travailler en gardant ma fille qui avait choisi de faire son « Terrible Two » lors du confinement. C’était en septembre 2020 : on avait six mois de pandémie dans les pattes, mes journées ressemblaient à celle de la Femme Gelée d’Annie Ernaux, rythmée par les notifications des morts du Covid-19. Si la santé mentale globale a dégringolé pendant l’épidémie, les parents et surtout les femmes, ont payé le prix fort. Il n’y a pas une mère que je connais qui n’ait pas fini en burn out.

Christiane elle, a vrillé dans les règles de l’art : entre deux lockdowns, elle a tué cinq de ses six enfants, l’un des pires infanticides qu’ait jamais connu l’Allemagne. La nouvelle a bouleversé le pays et fait le tour du monde, du Bild au Daily Mail sous ce titre : « Evil Mum » (la « mère diabolique »). En novembre 2021, au terme d’un procès durant lequel elle n’a pas prononcé un mot, elle a été condamnée par le tribunal de Wuppertal à la prison à perpétuité, 22 ans de réclusion incompressible. La plus lourde peine d’enfermement réservée en Allemagne aux terroristes et aux mauvaises mères de famille.

La sanction m’a intriguée. Quel danger cette femme représentait-elle pour la société au point de devoir passer le restant de ses jours en prison ? Même s’il n’existe pas de statistiques officielles, les infanticides ne sont pas rares : on estime qu’une centaine d’enfants sont tués chaque année par l’un ou l’autre de leurs deux parents. Un tous les trois jours, un chiffre stable. On sait que l’infanticide reste l’un des crimes les plus féminins, à 90% pour les nourrissons tués dans les 24 heures suivant leur naissance. Les enfants plus âgés sont tués eux en majorité par leurs pères.

Qui était cette femme ? Qu’est-ce qui pousse une mère à tuer ses enfants ? Un épuisement physique et émotionnel ? Une maladie mentale ? Les homicides sur mineurs de moins de 15 ans ont des ressorts singuliers. Mais l’intime s’inscrit toujours dans un contexte social et politique plus large. Aujourd’hui, on sait que les lockdowns successifs ont eu un effet dévastateur sur les femmes avec une explosion des violences domestiques (+30% pendant le premier confinement dans le monde selon des chiffres de l’ONU) et des agressions contre les enfants. En Allemagne, les crèches et les écoles sont restées fermées pendant huit mois d’affilée, entre octobre 2020 et mai 2021. Comme si les mesures de lutte contre la pandémie avaient été décidées par des responsables politiques ayant soit des balcons, soit pas d’enfants.

Après l’avoir rencontrée en prison, Christiane K. est devenue le symbole des violences feutrée qui se sont exercées dans des millions de foyers pendant les confinements. Et dans le tourbillon post #MeToo, mis à mal par deux ans de pandémie, j’ai commencé à me demander à quel point la justice pénale était genrée. »

Episode 1 | « Sur WhatsApp, elle regarde la photo de profil de son ex. Son cœur fait un bond. »

Episode 2 | « Oui, envoie la police à la maison. Les enfants sont morts. »

Episode 3 | « Elle a trois défauts, elle est jeune et jolie. Elle plaide non coupable. »

Episode 4 | « A 16 ans, Christiane est une adolescente qui coule. Mais elle ne crie plus. »

Episode 5 | « La Hasselstrasse où elle vivait est le terminus de la ligne de bus. »

Peut-on vivre avec la guerre ? | Podcast Louie Media, 2022

« Mon premier roman commence à Kiev et l’un des deux personnages principaux s’appelle Mir (cela veut dire « paix » -ou « monde »- en russe.) C’est dire la place de l’Ukraine dans ma vie, réelle comme imaginaire.

Depuis le 24 février 2022, je suis kéblo. L’invasion des chars russes, les images de Mariupol ou les visages en larmes des réfugiés ont provoqué chez moi un tourbillon d’émotions. Impossible de rester neutre. Quand on vient d’une génération biberonnée a la paix, aux safe places et à Daft Punk, la possibilité d’une troisième guerre mondiale sonne un peu la fin de la récré.

J’en avais ma claque du grand jeu géopolitique, alors j’ai décidé de raconter l’événement de l’intérieur. Qu’est-ce que la guerre fait aux humains ? Quelles émotions réveille t-elle ? Quels souvenirs convoque t-elle ?

Je suis née en Lorraine, aux confins de la France et de l’Allemagne. De là ou je viens, il y a plus de monuments aux morts que de barista. Le long de cette zone-frontière de forêts et de faits divers, deux pays, deux voisins, se sont faits la guerre trois fois en moins d’un siècle (entraînant dans leur haine le monde entier.)

Aujourd’hui, je vis à Berlin, une capitale dont le nom seul résume les brutalités barbares du XXe siècle. Pourquoi l’Ukraine ravive t-elle chez moi, comme chez mes amis européens, une sorte d’intuition collective du désastre ?

Ce ne sont que quelques unes des raisons qui m’ont poussée à cette introspection sonore, à la fois intime et chorale. Partie de l’Ukraine, j’ai fait des détours par la Syrie, le Kosovo, Israël ou la Côte d’Ivoire et j’ai tendu le micro à ceux qui avaient vécu la guerre directement. Qu’est-ce qu’ils avaient ressenti ? Y-avait t-il des étapes entre le choc, la colère, la tristesse ou l’intensité ? Une timelime émotionnelle ? Un mode d’emploi ? Et nous qui la vivions par procuration sur nos smartphones, pouvions-nous aussi être touchés ?

Peut-on vivre avec la guerre ? Les uns au front, les autres derrière leurs écrans mais tous ensemble plongés dans un événement d’une violence improbable. »

Episode 1 | Peut-on vivre avec la guerre ?

Episode 2 | Peut-on vivre avec la guerre ?

Allemagne : Sur la piste brune de la Troisième Voie | Médiapart, 2021

Un an après l’attentat de Hanau, le 19 février 2020, où un terroriste d’extrême droite a tué neuf personnes dans deux bars à chicha, et à quelques mois des élections fédérales de 2021, reportage en dix épisodes et en immersion dans une section locale du parti néonazi qui monte en Allemagne : La Troisième Voie. Illustrations Piet.

« La première fois que j’ai vu Tony Gentsch, j’ai pensé qu’il ressemblait à son job. Barbichette années 90, cheveux châtains hérissés au gel et voix de stentor. Dans une autre vie, Tony était boucher. Il est aujourd’hui l’une des têtes d’affiche du parti néo-nazi qui monte en Allemagne : Der Dritte Weg pour la III. Voie. C’est bizarre d’être la copie de son taf. Mais Tony, 36 ans, est un rescapé de « Die Wende », la réunification allemande, et il a appris très tôt à se fondre dans le paysage. De la gastronomie aux concerts de rock métal, de la taule au conseil municipal, du skinhead au gendre idéal, Tony le caméléon jongle avec les codes, les mots, les visages. Quand on a changé de pays, de passé et d’identité en une nuit, les changements de cap sont une formalité.
Fiché « ultra violent » et placé sous surveillance des services de renseignement, il trimballe sa carrure débonnaire dans les rues de Plauen, en Saxe, gouaille en bandoulière et New Balance aux pieds (ces sneakers pour hipsters reconverties en signe de reconnaissance de la scène radicale). Tony Gentsch, c’est l’archétype du chef de bande, sympa, jamais seul et toujours prêt à dépanner. Pas vraiment ce que l’on attend du représentant d’un parti antisémite, révisionniste et xénophobe. Mais écrire sur l’extrême droite, c’est entrer dans une dimension parallèle. Naviguer entre ce que l’on imagine, ce que l’on perçoit et ce que l’on sait. Si elle existe, la vérité doit probablement se trouver quelque part entre les trois. La réalité elle, est plus changeante qu’un fil Twitter. »

Episode 1 | En ex-RDA, les néo-nazis font leur miel des espoirs déçus

Episode 2 | Un boucher au conseil municipal

Episode 3 | La Saxe, laboratoire de la scène radicale allemande

Episode 4 | En Allemagne, l’extrême droite se soulève contre la «dictature du corona»

Épisode 5 | Ladies first : comment les extrémistes de la III Voie séduisent les femmes

Épisode 6 | Une ratonnade sur fonds de #blacklifematters

Épisode 7 | Promenons-nous dans les bois

Episode 8 | Retour sur la cavale sanglante de la NSU

Episode 9 | AfD, complotistes et neo-nazis, les liaisons dangereuses

Episode 10 | 30 ans de réunification et une nouvelle déflagration

« La fille et le moudjahidine » | Editions Carnets Nord, Paris, 2015

Un portrait saisissant montrant les violentes contradictions d’une nouvelle génération d’aspirants moudjahidines, nés ou élevés en Europe, à la fois hyper-connectée et déconnectée de la réalité. Prune Antoine, journaliste française installée à Berlin, croise la route de Djahar en juin 2013. Son accent slave, son allure de boxeur du Caucase et son parcours d’intégration chaotique éveillent immédiatement la curiosité de la reporter. A priori, tout les oppose. Elle a choisi Berlin pour sa vie bohème, il est arrivé en Allemagne au terme d’un voyage de quatre jours au fond d’un camion. Elle cherche le dialogue par ses écrits, il se fait respecter grâce à ses poings. Elle est féministe, il est musulman salafiste.

Ce qui les rapproche, c’est d’être confronté, en tant qu’étranger, aux questions d’identité, de racines dans une Allemagne tiraillée autour de son modèle de ‘Willkommenskultur’. Seule ombre au tableau de cette amitié naissante : la radicalisation religieuse du jeune homme, via les réseaux sociaux, qui étonne puis inquiète Prune Antoine. Surtout lorsque Djahar lui annonce qu’il pense partir en Syrie faire le djihad.

La Fille & Le Moudjahidine, en vente ici.